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8 semaines après la rupture

Tu avais choisi le Montenegro pour fêter nos quatre ans. Sur un coup de tête. Ton impulsivité et prise d'initiative m'avaient excitée. Aujourd'hui, une partie de moi inavouée aurait voulu que tu n’annules jamais ces billets . Que tu m’écrives quand j’avais fini. Que tu m’écrives plus tard même, mais pas que je sois dans le doute de si tu m’aurais réécrit et quand, si je ne l’avais pas fait dimanche. Que tu fasses tout pour qu’on puisse partir comme prévu et qu’on se retrouve loin de cette ville, à nous deux, pour se confronter, s’avouer, s’expliquer et finir par s'aimer. (Tu avais pris une assurance voyage, prudent comme toujours et à mon défi. Le moment de l'activation de la couverture est critique, il ne faudrait ni trop tôt, ni trop tard, juste juste, et considéré. Trop tôt serait dévastateur, trop tard aurait mis un prix sur mon caprice de choix). Que tu aies la maturité de connaître les stades du deuil et que tu ne recules pas devant ma colère. Que tu ressentes le besoin de m’écrire et t’exprimer sur ce qui te travaille. Que tu me répètes à quel point tu es désolé et à quel point tu continues à voir quelque chose en nous que je ne voyais plus, quelque chose que je ne pouvais plus me permettre de voir, par respect envers moi même, par confiance envers l’univers , et par effroi devant les ténèbres qui se sont dévoilés. Que tu m’écrives , que tu fasses des efforts. Que tu me choies. Que tu me redemandes pardon. Que tu m’écrives à quel point tu m’aimes. Que tu m’écrives ce qui te manque et combien. Que tu me dises que tu y crois encore et que la promesse que tu as faite d'aller chercher cet homme en toi et me revenir est toujours vraie. 

Que tu te battes pour toi et pour moi et pour nous. Que l’on se voit et qu’on s’enlace le plus naturellement du monde. Que tu me donnes rendez-vous. Que tu guettes mon pas de porte. Que tu m’invites à entrer. 

 

Pendant quatre ans j’avais des doutes sur tout, mais jamais sur le fait que tu m’aimais, que tu serais toujours là, que tu voulais témoigner mon bien et être mon bien, que ton engouement serait inépuisé.

 

Je m’étais enfin abandonnée à toi et à nous. J’étais enfin sereine et confortable. 

 

Tu avouas vivre semaine après semaine. Malgré le bail, malgré le contrat de quatre ans de leasing, malgré les projets de voyage pour l'année prochaine, et le calendrier de la construction d'un chez nous en Grèce et de la chimie de nos enfants.

 

Comment concilier ton amour manifeste et ton attitude le soir fatidique et ensuite. 

 

J’ai rendu la chose trop facile pour toi pendant ces deux mois, au prix de mes sentiments . Tu dévoiles tant d'acteurs de ta famille, piégés dans une piste d'addiction, une leçon que certains n'apprendront pas et qui finiront le jeu pendus. Tout cela contrebalancé par une piété fervente. Ces univers interagissent-ils sous des forces inversément proportionnelles? Un ami génie de génétique passait ses jours à analyser les similitudes de l'ADN des cochons avec celui des hommes. Il était aussi génie d'orthodoxie, profondément pieux et apaisé, autant qu'un scientifique peut l'être. Du haut de mes 8 ans, je lui avais demandé comment cette co-existence était possible. Il m'avait expliqué que plus il avançait dans la science de l'univers, plus il croyait en Dieu. Les équations abracadabrantes comportaient nécessairement une variable x d'humilité et de doute. Une variable capable de bousculer toute l'arche. Une variable potentiellement neutre, qui permettrait à l'équation d'être si vraie, si fragile, qu'elle en était si divine. Celle-ci était Dieu. Est-ce là que repose l'engagement infatigable de ta famille dans le catholicisme? Une discipline stoïcienne à infuser cette variable constamment, pour chasser les démons de l'addiction?


Le fait est : Que j’essuie une défaite certaine et évidente face à une montagne d’hypocrisie et un poids générationnel immense. Que mon discours est resté le même et que maintenant que vous sortez de la torpeur et du détachement je suis rejetée. Que je n’ai servi qu’à allumer cette lumière en toi et que je me retrouve écorchée et seule. Que mon rôle est réduit à une leçon amère. Que tu l’as prise et que tu avances sans souci pour les débris que tu m’as laissés. Peut-être que cela devait être mon rôle et alors tant mieux que je l’aie joué. 

 

Mais j’ai des émotions par rapport à cela. Tu étais censé être avec moi. J’étais censée enfin être vulnérable et protégée et sereine. À la place je doute de tes sentiments de toujours. Tes parents recueillent la colère que je te brûlais. Ils connaissaient l'histoire familiale, n'en ont dit mot, sous l'espoir d'une résolution divine. Ils nous poussaient à avancer, intégrer leur troupe de théâtre, dont la scène est tapie de poussière et de tapis. L'alerte première était l'alcool et ils sont restés taudis. La cocaine les as fait sortir de leur tanière, les a punis d'années marquées soudainement sur leurs visages, de honte dégoulinante de leurs comissures concaves.


Tu te braqueras, mais ma croisade se poursuit. Le propre des mercenaires est qu'ils choississent un camp le temps de leur contrat. Des mercenaires espions, vacillant dans deux camps, serait châtiés majestralement.

 

Tu m'as reproché mon absence à plusieurs événements de famille. Combien de représentations puis-je enchaîner? Vous êtes tant, et si superficiels, que l'énergie me manque. Des messes en votre honneur, suivies par le déshonneur dans vos mets.  

 

Je n'en avais que faire. C’est avec toi que je voulais être. Créer notre histoire, nos règles, nos vacances, notre couleur, notre pâte. 

 

Je suis contente que tu apprennes désormais , mais j’aurais voulu que tu entraînes ton courage avec moi et non seulement aux arts martiaux. 

 

Que tu me revendiques comme tienne comme au début et inlassablement. C’est maintenant que tu me manques le plus et que j’en aurais le plus besoin.

 

J’ai mon propre travail à faire du côté du borderline , des montagnes russes entre idéalisation et dégradation, et du flou des souvenirs. Du tri entre le mal-être de mes examens ces dernières années, et celui d'une nausée existentielle et d'une claustrophobie dans la vie qui se dessinait entre nous. De la distinction entre le manque de toi, de moi et de nous. De la différence entre les choses que je choisis enfin car elles remplissent mon âme, et celles que je fais pour ne pas sentir ton manque. De la nuance entre une peine de coeur qui écorche car elle touche à ma vie entière, et une rupture nécessaire que je tourne faiblement au roman et au mélodrame.

 

Mon médecin m’a expliqué que pardonner c’est s’éloigner. Si je te pardonne, je te donne mon pardon et mon au revoir. Me demander pardon c’est me demander de te laisser tranquille, d’apaiser ta conscience et te laisser partir. Est-ce ça que tu veux?

 

Ceux qui ne demandent pas pardon se battent, apprennent, admettent qu’ils ont tout bousillé, n’abandonnent pas, promettent de réparer , s’efforcent à le faire, et reviendront conquérir la personne, reconquérir sa confiance et recommencer autrement. 

 

Tu as été authentique et vrai dimanche soir , tu t’es ouvert. Le résultat coule entre mes cuisses et habite mes pensées. Une attirance dont je n'ai pas souvenir auparavant. C'est neuf et ça chatouille.

 

Peut être que tu n’es pas prêt à pouvoir l’inviter ni faire quelque chose pour ça. Peut être que tu n’en as juste plus envie. 

 

C’est ton silence. Interprété comme du désintérêt. Car quand il y avait de l’intérêt il n’y avait pas de silence. Quand il y avait de l'intérêt il n'y avait pas de doute. Tu me laisses sans intérêt, en silence et en doute. 

 

Le poids environnant a été trop grand. Et comme tu l’as dit, tu ne m’as jamais vraiment laissé entrer dans ton intimité. Je fais donc le deuil d’un corps vide et d’un manque manifeste que je croyais habité, aimant, chaleureux et surtout, qui devait être à moi. Tu n’as pas d’appartement mais je suis aussi sans abri d’une autre façon. 

 

Je n’ai jamais vécu une situation de trahison pareille et la vérité est enfouie sous une montagne de mensonges d’addiction et de non dits. Ce n’est pas un univers que je connais , le terrain est nouveau et peu accueillant. J’ai de la peine à le naviguer. 

 

La montagne la plus dure serait celle de la sobriété et celle de croire à nouveau que tu es bien là où tu es, et que ce qu’on avait te suffisait. Mais le doute qui a accompagné la découverte de ce manque de sobriété est dévastateur et annihilant. 

Je ne suis pas au clair sur ce que tu penses. M’as-tu jamais aimée ? Peut-être que tu tu répondras non, jamais, ou plus. Après tout si toi tu ne t’aimais pas, comment pouvais-tu m’aimer ?

 

Peut-être que tu as trop à faire pour couver le temps ou la place émotionnelle de gérer le coma qui me concerne. Mais maintenant que la colère se transmute gentiment, une vague de tristesse m’habite. 

 

Peut-être que tu as quelques trains d’avance et quelques semaines d’avance sur mon état actuel , peut-être que c’est une habitude à prendre d’être seul et avec d’autres amis que nous. Peut être que je dois continuer à m’accrocher , me retenir , me taire, et laisser le temps faire.

 

J’aurais voulu que ce soit autrement , observer tes initiatives plutôt que les supplier, j’aurais voulu ne pas distordre tout en souillure désormais, mais c’est ainsi, je te le dis et puis tant pis. J’aurais pu prendre de grandes inspirations, méditer, tourner une sourde oreille à l'intérieur, m’éloigner de la terre et de l’ego, car à l’échelle de l’univers, tout ce que je ressens est minuscule et frivole. Toutefois c’est grand à l’échelle de mon corps, d’autant plus qu’il s’allège et s’amincit. Faisons autrement, nécessairement. Je n’ai plus envie de me supprimer en simulant que mes sentiments sont insignifiants ou honteux ou dissous dans une prière. Le résultat de mes actions ne m’appartient pas, mais je choisis mes actions. 

 
 
 

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