17 semaines après la rupture
- twistedvains
- Aug 6
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Updated: Aug 7
Ce n'est pas que ta bataille. C'est celle de tous tes semblables et celle de toute la ville. Vous êtes en train de perdre la guerre, votre lumière s'estompe. Une déshumanisation progressive et sournois que vous choisissez allègrement. Pour vous sentir plus humains, ou surhumains le temps d'une nuit, mais coquilles vides et terrains vagues à terme. Une humanité feinte dans l'exacerbation du mental, une surstimulation des neurones uniquement, pendant que votre hypophyse se déplète et votre derme s'apoptose.
Je suis fatiguée, je ne veux plus…. Et je veux plus pour ma vie que cela. L’exercice m’épuise et je le fais traîner. Je me force à me projeter, à revivre, juste pour retranscrire, narrer la fin et avoir la trace d’un dénouement irrévocable. Boucler le cycle, faire un nœud et brûler ses extrémités, pour assurer que mes fils ne s’effriteront pas. Ce n’est pas les émotions qui rendent cela difficile, c’est plutôt le détachement que j’ai déjà atteint. Si la constellation du mois dernier y est pour quelque chose, dans le facile et le fluide, alors il faut que j’aille mettre cinq étoiles de recommandation. Est-ce les liens de mon propre système qu’on avait desserré, permettant de me libérer de tous les miroirs de celui-ci ?
Ta disparition, physiquement et énergétiquement, a fait de la place. Voici que le chat me rejoint enfin dans le lit qu’elle refusait d’approcher depuis que je te revoyais. Son rejet n’était pas passé inaperçu et m’inquiétais, elle qui incarne la tempérance et l’intransigeance malgré elle. Elle se laisse caresser, se love sur ma poitrine et me lèche les doigts. Elle réclame tant de câlins que je tape sur mon clavier à une main. C’est lent, mais je me rappelle que tout seul, on va plus vite, mais à deux, on va plus loin. C’est délicieux de m’endormir bercée de son ronronnement.
Je ré-apprivoise la terrasse. Le jasmin, après des semaines de soins, éclot enfin de nouvelles feuilles, d’un vert vif. Le basilic aussi. Les cieux changeants jour après jour s’offrent à la contemplation. Le chat se dore la pilule tantôt à l’ombre sous le banc, tantôt au soleil abandonné. Les guirlandes rythment le soir et illuminent ce coin presque accroché au ciel.
J’ai à nouveau changé l’agencement du salon, pour la 12ème fois déjà cette année.
Mes paniers divers trônent le long du couloir, encombrants, et mes manteaux d’hiver, ensevelis dans leurs housses, alourdissent les crochets de mes portes – au moins le désordre est apparent et comme m’avait dit mon amie Chantelle, « ce ch’ni ne reflète pas ma personnalité ».
Matériellement, je vibre une abondance qui n’est pas encore manifestée. Les temps sont durs, désormais seule pour supporter mes dépenses fixes et incontournables. Mon nouveau dressing devra attendre le mois prochain, ou le suivant. La peinture aussi. Je travaille à ne pas me juger et en attendant, je zigzague parmi mes affaires qui n’ont pas de rangement fixe.
Cette légèreté est nouvelle – celle d’être apaisée dans les décombres, celle de pouvoir sautiller sur des tubes des années ’80 à 2200 s’il me chante. Brother Louie, il fallait s’en méfier.
J’explore les débris de ma zone génitale. Là où il y a quelques mois je ne voyais qu’une mer de goudron, ou le vestige d’un terrain carbonisé, j’ai enfin pu voir du gazon naissant. Nous sommes loin des portraits multicolores des déesses de la féminité hindoues ou égyptiennes, mais c’est un début. J’hésite à mettre un point d’orgue sur les séances de sexologue, sachant que tu ne seras plus là pour m’aider à faire les devoirs.
Eckhart Tolle garde mes pieds sur terre et fait résonner mon âme fort. C’est pour moi que je pardonne, il n’y a pas de trahison, et le moi profond n’est pas affecté par tes débauches. Ce n’est pas à moi que tu fais mal car tu ne peux pas m’en faire. L’histoire n’est que matérielle et déroule un mélodrame qui est si petit, et si peu menaçant à l’échelle des âmes, qu’elle ne saurait me garder en haleine. Même les moments de désespoir et de tristesse, ceux de fantasme et d’illusions, n’apparaissent désormais que comme des nuages que je vois passer et auxquels je ne m’identifie pas.
Que le présent. Dès que je vacille dans le passé ou le futur, les mauvaises racines
démangent et s’échauffent. Que le présent. Ce présent silencieux, apaisé, qui
contient autant d’espace que d’opportunités, autant de pardons que de promesses et
qui me contient sans m’étouffer.
Le futur me glisse dans des pensées sombres, méchantes, d’humiliation et
d’oblitération. Ta perfidie qui a glissé des secrets dans notre quotidien, des entités néfastes dans mon lit, c’est celle qui me contamine quand je souhaite que ta maladie pénétre tous
les vases communiquants de ta vie: ton étude, ton armée, ton doctorat. Tout ton pan
social est entâché, simplement ses acteurs l’ignorent.
Sous ce pan, je te diabolise. Tu es le pire. Pire que tout. Un abus sexuel ou une violence physique puent le traumatisme. Même enfant, tu sens le mal, tu frissonnes de la perversité, tu suspectes du manque de “normalité”. Ces maux te menacent de façon frontale, l’énergie néfaste est indéniable et n’est pas dissoute dans un sourire dégoûtant qui se veut rassurant. Par contre et au contraire, ton abus s’est déguisé sous des apparences de normalité, de réussite tri-dimensionnelle, de malade hautement fonctionnel, de mensonges, si bien qu’il a su déjouer même les barrières defensives d’un adulte empreint de discernement, qui plus est un adulte hypervigilant qui porte encore en lui un enfant qui a subi des maux frontaux. Tu es la pire chose qui m’ait jamais approchée. Le pire ennemi qui m’ait côtoyé. Le pire faux-ami que j’ai jamais eu. Tu étais un corps en décomposition à côté de moi, mais à la place de puer et de m’envoyer un signal, tu me voyais penser à haute voix que c’étaient mes entrailles qui étaient pourries.
Aucune messe dominicale n’épongera ton vinaigre. Aucune prière ne chassera ton
hôte démoniaque. Aucun bisse ne taira sa voix sournoise même le temps d’une
ballade. Devant toi, l’abîme. En toi, l’abîme. Tu y es engouffré depuis si longtemps
que tu ne vois ni lumière ni issue. Restes-y. Ton délire te fais même croire que tu es prêt pour une famille, pour des enfants – que ton lien paternel se révèlera magiquement le jour de l’accouchement et que ce ne sera qu’arc-en-ciels à partir de ce moment. Tu es dangereux seul et accompagné. Je me promets de parler si je te recroise avec une fille, la prévenir de tout ce qu’elle et toi-même ne savez pas de toi.
Un délire héréditaire? Peut-être bien, quand je vois tes parents pétris d’incongruence
et l’ignorant même. La politique, la religion, la politique de religion, la religion de la politique, la politique de la famille, la famille de droit et le droit de la famille. Et pourtant, une montagne sous le tapis. Une montagne qui ne les empêche ni de poursuivre leurs fonctions sociales peu sensées, ni de se mentir, ni de te mentir, ni de me mentir. Une cacophonie que les plus sensibles entendent, mais que vous n’entendez pas chez vous. Une mère qui m’encourageait à poursuivre cette relation, quand elle pensait que tu ne souffrais que d’alcoolisme, et sachant qu’elle vit avec un père, frère et mari alcooliques. Non assistance à personne en danger, rien de moins. Tu trouveras cela radical mais mes poils s’en hérissent. Du trauma générationnel en mitose. Jamais je n’imaginerais appâter et prendre en otage une jeune fille de 30 ans avec toute sa vie devant elle. Elle l’a fait sans broncher. L’incongruence bat son plein: une humilité feinte au temple, mais un éhontement à agir que seuls les diables génèrent.
L’inauthenticité s’apprend et s’hérite. Ma sage Joelle. Ce qui voudrait dire qu’il faut un travail véritable pour la désapprendre aussi. La honte présente des symptômes différents d’un individu à l’autre. Elle me fait m’enterrer, baisser les yeux, et espérer que les autres oublieront. Elle vous fait déambuler, comme si de rien n’était, apprêtés et désinvoltes. Elle me fait douter, questionner ma santé mentale et mon équilibre. Elle vous fait paraître si normaux que c’est les autres qui se croient fous. Elle me fait creuser, titiller, écorcher, les couches d’existentialisme sous-jacentes. Elle vous fait polir l’image, repoudrer le nez, effacer les traces de rouge à lèvres sur les dents pour maintenir un sourire éclatant en surface.
L’auto-flagellation catholique, est-ce prétendre que tout va bien, subir son rôle social, pendant que le mal vous ronge de l’intérieur ? Ou êtes-vous simplement si niaisement optimistes ? Est-ce l’empreinte génétique d’une province suisse arrosée d’un bon pichet de blanc ?
Ce n’est pas mon système, ce n’est pas ma famille et ça ne le sera jamais. Je n’ai pas les outils de répondre. Je découvre sur internet une échelle scientifique proportionnant le trauma subi au besoin de mentaliser, et il faut que je cesse de grimper. Je préfère même sauter dans le vide.
Cette perfidie mentale, c’est celle dont j’essaie aussi de me défaire, réalisant assez vite que
le dégoût et la colère que je ressens n’ont d’ampleur que celle qui est dirigée contre
moi. C’est plus facile de te détester. C’est peut-être ta noirceur que j’ai vue et que j’ai voulu guérir. C’est peut-être mon échec à la chasser qui me fait mal, mon propre rejet, ma propre trahison de l’intuition, de la réalisation de soi, de la confiance en mon existence. Tu m’as donné une bonne leçon. Je t’ai tout autant trahi et aussi manqué à te protéger. Mon refuge a été les autres, car une bourrasque violente t’attachait loin de moi. Tu as perdu ton toi(t) et j’ai perdu le sol sous mes pieds.
Plus rien ne frémit à ton idée, tu n’existes plus que dans mes neurones. Il faut que je te chasse. Tu disparais.
On touche au bout. J’ai réussi à décoller la plaquette de la porte à coups de tournevis, ton nom n’est plus. Mister Minit à la rescousse.
Il nous reste un contrat de wifi, l’assurance ménage et le contrat de leasing. Cela fait bientôt 5 mois, j’ai hâte de délier. J’attends un message résolu offrant des solutions à tout. Je crois aussi que tu es désormais mon blocage. Je m’attèle à finir ce récit, même si tu voudrais une suite. C’est mon discours à tes obsèques, après quoi je t’enterre pour de bon. Je peux alors t’imaginer mort et espérer ne jamais te croiser, avec moins d’incongruence. Tu deviens alors de la terre fertile, une fois rongé par les insectes et les graines germées. De cette terre viendront les nouvelles opportunités, le nouveau travail, les nouvelles portes, les nouveaux visages, les nouvelles voix, les nouvelles couleurs, les nouveaux horizons. Dans un méli-mélo de tragédies, je suis Electre et tu es Antigone – je t’enterre vivant jusqu’à ta mort. Je m’en vais vivre. Sauve, salut, salve.
Sauf….. que je t’aime encore. Tu me manques. Tu glisses dans mon esprit à séquences saccadées, je ne parviens plus à saisir ton visage, ton odeur, ton sourire. Mon reboot est aussi bien avancé et bientôt il ne restera aucun souvenir de toi. Je pleurs en anticipation à ce moment, que je n’ai jamais voulu ou imaginé atteindre. Quel gâchis. Quel dommage. Je te souhaite d’être heureux, de trouver ton chemin. Je sais que je m’en sortirai. Je ne suis pas si sûre pour toi. Ce qui est sûr, c’est que le nous ne verra plus jamais le jour.
L’illusion ne me laisse pas même quelques secondes de bercement. Immédiatement, en balancier, je revois une cruauté et un désintérêt périodiques que j’ignorais et que je n’enregistrais que comme de petites déceptions du quotidien, tant je te croyais amoureux. Chaque bel événement avait son pendant négatif : mon anniversaire-surprise presque annulé par ta nuit trop arrosée. Le Noël des copains, où le feu chatouillait l’ecstasy encore présente dans ton nez. Notre fête de crémaillère où tu m’as réservé la surprise de me lever et de te trouver avec trois voyous et de la cocaïne plein la table le matin. Les samedis infinis à t’attendre au réveil encore ivre et voir nos plans de journée se dissoudre dans les bulles de ton coca cola. Du sang neuf et du sang sale, dans la même veine.
C’est dans ce flou ambivalent que je termine. En bout de course, encore une cigarette à la main, qui colle, se décolle et me dégoûte. J’ai ma propre montagne à gravir pour m’en défaire. Je continue de purger en attendant la purge. Le temps amènera la nuance, inéluctablement.
Est-ce qu’une quelconque phrase dans ce récit survivrait à l’épreuve du gueuloir ?
La seule chose qui reste de nous est une liste de critique culinaire sur tous les tiramisus que nous n’ayons jamais goûté. Nos critères étaient bien choisis et nos papilles exigeantes. Je la publierai un jour.
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