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13 semaines et 2 jours après la rupture

Une chenille sur le sol du salon. Transformation et renouveau. Patience et persévérance. Acceptation de la mort et de la renaissance. Opportunités de croissance. Guérison.

Tout ce qui se fera sans toi.  Alors que tu es à la messe dominicale par habitude ou fol espoir d’une guérison ex machina, je revois les 18 dernières heures.

 

Une attente dans le purgatoire puis une entrée brinquebalante en enfer.

 

Un dialogue par chapitres : le premier, dans ma violence et mes discours soit maniaques, soit illuminés, un débit soutenu de vérités en slam. Un effort de m’en extraire, de me rappeler que je mérite mieux que ton silence et ton insuffisance. Quand je réussis à porter mon corps loin, le même manque revient et je te récris. Je te retrouve ensuite, déjà un verre de spritz à la main. Tu oses me narguer et moquer mon incapacité de partir, tu oses relever l’incongruence entre ma tête qui veut fuir et mon cœur qui ancre mon corps lourdement à côté de toi. Nous répétons ce bal à quatre reprises, dépassant les 10'000 pas journaliers rien qu’entre le pont du Mont-Blanc et les bains des Pâquis.

Le second, dans un visage, une voix, un regard, une cadence et des mots que je ne te connaissais pas. Des juxtapositions, méchantes, calculées, réfléchies, sournoises. Devant toi, je suis terrassée – mon regard est vide et je me tais. Je préfère absorber car je sais que ce que tu dis viens de ton profond. La vérité à tout prix. Je l’ai attendue si longtemps que je l’accueille sous toutes ses formes.

 

Tu combats ton propre être et quand tu me vois, tu projettes ce combat sur moi. Je ne suis pas ton ennemi, ton ennemi te colle à la peau et aurait peut-être même affecté ton matériel génétique. Rien d’extérieur à ton enveloppe ne te menace plus que cela.

 

Tu constates mon psoriasis qui s’étale et compatis par ton eczéma qui fait un retour agressif. On se demande interloqués si c’est un signe que notre contact est corrosif et qu’autant l’univers que nos cellules microscopiques sont alignés pour nous séparer. Ce n’est pas un pathos romantique qui nous fera rester malgré ces signes. Notre relation était trop intellectualisée et je suis trop peu amoureuse pour combattre ces signes et croire en notre amour contre vents et marées.

 

Tu m’avais promis que jamais tu ne m’apprendrais dans la violence. Pourtant, pendant plus de 3 heures, je suis à l’autel de ta vengeance et sournoiserie. Les tiennes ou celles qui se sont emparées de toi. A côté, je suis immobile, la tête dans les épaules, les mains croisées, la cigarette qui brûle et qui menace d’écorcher ma robe en lin – dernière victime de cette soirée incendiaire – silencieuse. En moi, un désert, en pente imperceptible à l’œil nu et je me sens glisser dans la gravité du sable mouvant d’une dissociation qui approche. Un prédateur majestueux, plein de confiance. Il ne vient pas me mordre au cou par surprise. Il vient se lover, presque tendrement, dans un charme de sirènes qui n’ont même pas besoin de chanter. La proie ne se débat plus. C’est par moi-même que je marche tranquillement vers cet état qui m’apaisera momentanément – un refuge du présent, une escale vers l’après qui n’existe nulle part à l’horizon.

 

Plusieurs heures passent ainsi. Sous prétexte de ma sécurité, tu veux m’extraire des Pâquis. Mon corps se souvient de l’armure parisienne qu’il avait bâtie, et ton argument n’est rien de plus qu’un caillou qui ricoche sur la forteresse. Je veux marcher, être seule, mais d’abord rester aussi longtemps que je ne le veux. Nous montons enfin dans le bus, sous couvert de rentrer ensemble. Tu t’échappes au prochain arrêt. Je descends aussi par l’autre porte et je dévale la pente mais je sais que je n'ai pas ta paire d’yeux dans le dos. Je sais déjà que tu m’as vue et tu confirmeras et avoueras être parti dans la direction opposée, un coup de poignard de plus dans mon corps fragilisé. Chacun de ces coups devrait raisonner ma tête. En œil pour œil, il te faudrait réitérer beaucoup de violence pour équilibrer la balance de l’amour que je pensais que tu me portais depuis quatre ans.

 

Je veux effacer l’ardoise – clôturer nos comptes dans un zéro officiel, mais un découvert monstrueux officieux.

 

Le livre que j’ai choisi plus tôt avec toi me dévisage : la femme tambour – renouer avec sa déesse intérieure. Depuis que l’on se revoit, j’ai plutôt l’impression d’être la femme enceinte, la femme amplificateur qui ne fait qu’avaler les échos de ton développement personnel. La femme vide-poches, la femme que tu aimes sans la connaître, sans l’écouter, sans lui poser de questions. Rien de divin là-dedans. Je ne suis pas prête à l’ouvrir, trop consciente que toutes mes grand-mères me donneraient une force si grande, qu’elle m’amènerait au silence, à la résilience et à l’effacement de toi.

 

J’opte pour un vert pour mon fond d’écran. C’est mon cœur qui parle. Cependant, impossible de choisir une teinte lumineuse et vibrante. Je déplace le curseur vers le mat, le muet et un vert souffrant, malade.

 
 
 

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